Marion a fait de sa dépression post-partum une bande-dessinée
Publié le 18/06/2024Après la naissance de sa fille, Marion Nail a sombré dans une dépression post-partum. Comme elle est graphiste, avec l'aide de sa thérapeute, elle a fait de cet épisode douloureux une bande dessinée : Baby bleu parue aux éditions Lapin.
La BD Baby bleu sur le site des éditions Lapin
La naissance d'un bébé peut tellement chambouler l'identité de sa mère qu'après tout, se résumer à une tache de couleur, c'est plutôt reposant et libérateur. C'est un peu l'idée de Marion Nail, graphiste, quand elle commence à dessiner son histoire.
Au départ, c'est sa psychologue, Émeline Bachet qui lui suggère d'utiliser son outil de travail pour exprimer sa souffrance. Car aussi surprenant que cela puisse paraître, la naissance d'un enfant peut se transformer en souffrance et même en véritable dépression. On l'appelle alors dépression post-partum et il ne faut pas la confondre avec le baby blues, un épisode de quelques jours de vague à l'âme qui peut suivre l'accouchement, en raison du bouleversement hormonal qui touche la jeune maman.
La dépression post-partum : épuisement, angoisse extrême, voire suicide
La dépression post-partum, elle, s'installe et dure plusieurs mois. Son issue peut même être tragique et déboucher sur le suicide, première cause de mortalité des jeunes mamans. Des pères peuvent aussi en être atteints.
Ces dépressions commencent différemment selon les personnes. Le plus souvent, c'est un détachement de la mère vis-à-vis de son bébé, comme si l'enfant n'était pas le sien, comme si elle était extérieure à sa maternité, dans laquelle elle ne s'investit plus. Dans le cas de Marion Nail, ce fut l'inverse : une angoisse absolue, épuisante, que sa fille meure. Avec tous les corollaires qui accompagnent cette angoisse : impossibilité de se reposer, de dormir, puis des crises de panique. Marion se sentait d'autant plus enfermée dans sa maternité que sa fille est née juste avant le confinement de la pandémie de Covid-19. La jeune femme reconnait aussi qu'elle avait un profil angoissé et sans doute dépressif avant sa grossesse.
Son compagnon, très présent, ses beaux-parents, également proches, n'ont pas vraiment détecté ce que subissait Marion. Ils sentaient bien qu'elle était "nerveuse" "irritable" mais ne soupçonnaient pas à quel point elle souffrait, pleurant chaque jour, envisageant de tout plaquer ou de mettre fin à ses jours.
Thérapie par le dessin et le récit
C'est après avoir déménagé en Bretagne et au bout d'une année d'errance que la jeune maman s'est enfin tournée vers une psychologue comportementaliste. Émeline Brachet a écouté Marion, lui a aussi proposé des exercices, dont le dessin. Ensemble, elles ont réfléchi à l'identité de la "tache bleue" (référence aussi au célèbre album jeunesse Petit-Bleu et Petit-Jaune de Léo Lionni à propos de la différence). Marion a posé des mots sur ses maux, défini ses valeurs, pointé les injonctions sociales qu'elle avait trop fait siennes : être une bonne compagne et une bonne mère, une femme moderne, libre et accomplie, une artiste créative, une amie présente, etc. Et surtout, elle a compris qu'elle avait en fait davantage peur de souhaiter ou de provoquer la mort de son bébé que de cette mort elle-même. Quand elle a accepté cette idée, elle s'est soudain apaisée.
Depuis, Marion s'estime sortie d'affaire, elle a réussi à faire publier sa bande dessinée, elle a aussi pu discuter de ce qu'elle a vécu avec d'autres parents. Grâce à Baby bleu, elle souhaite faire passer le message aux jeunes mamans ou papas qui vivraient mal une naissance : faites-vous aider dès que vous constatez que votre malaise dure plus que quelques jours ! Un numéro figure à la fin du livre, le 0 8000 3456 allo parents-bébé.