Elargissements, immigration et sondages au menu de la chronique de Breizh Europe Finistère
Publié le 19/12/2023Chaque mois dans Lem, l'association Breizh Europe Finistère nous aide à comprendre les enjeux de la politique de l'Union européenne : analyses et interviews. Dans la dernière chronique de 2023, l'association s'intéresse au Conseil européen, à la politique italienne, à la question migratoire et aux sondages avant les élections européennes de 2024.
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Chronique à deux voix réalisée par Josselin Chesnel et Maël Cordeau
Ces derniers jours ont été riches en rebondissements. Aujourd’hui on vous propose de revenir sur 3 sujets qui ont fait la une. Au programme, retour sur le très historique dernier Conseil européen, un revirement de situation en Italie, et enfin un aperçu des dernières dynamiques politiques en cours en France dans le cadre du scrutin européen… et quelques actualités politiques.
Le sommet du Conseil européen et l'intégration de futurs États membres
Le Conseil européen c’est la réunion des 27 États membres pour se réunir, dialoguer et voter sur les propositions
législatives émises par les autres institutions européennes. Ces sommets sont très importants et leur issue n’est jamais certaine ! Pour beaucoup de décisions, l’unanimité des 27 chefs d’États et de gouvernements est par ailleurs requise, ce qui peut compliquer certaines choses. Ce dernier sommet avait en tout cas une saveur assez particulière, puisqu’il marquait le retour de la Pologne pro-européenne à la table des négociations.
C’est vrai ! Quelques jours avant, Donald Tusk – figure éminente de la politique polonaise – avait en effet repris ses fonctions de Premier ministre. Il a déjà occupé de multiples fonctions dans son pays et à l’échelle de l’UE, notamment celle de président du Conseil européen.
Précisons qu’au cours des dernières années, la Pologne conservatrice de ceux qui ont succédé à Tusk était l’un des États les plus frileux lors des négociations du fameux Conseil européen, au point d’obtenir des adaptations spécifiques dans le cadre de certains textes.
Le pays était même régulièrement soutenu par la Hongrie de Viktor Orban, sur le même plan politique réactionnaire. …
Pour ce dernier conseil, les choses ont donc assez changé. En effet, l’autocrate hongrois s’est retrouvé seul opposant, lors des discussions liées à l’ouverture des négociations des États candidats à l’entrée dans l’Union européenne. Avec ou sans les changements politiques récents en Pologne, il eût de toute façon été très isolé sur ce sujet précis qui engage durablement la Pologne, premier pays d’accueil des réfugiés ukrainiens, Ukraine
que la Pologne soutient depuis bientôt 2 ans sans défaut.
On ne vous apprend sans doute pas grand chose, si on vous dit que Viktor Orban est très proche du dictateur russe, ce qui l’a mis dans une situation indélicate dans le cadre de la validation d’une nouvelle étape de rapprochement entre l’Ukraine et l’Union européenne, d’autant plus qu’Orban est même allé jusqu’à Washington tenter de convaincre les élus du Parti républicain de s’opposer aux plans d’aide américains de plusieurs milliards de dollars souhaités par le président Biden au bénéfice de l’armée et de la population d’Ukraine. Pour beaucoup d’observateurs, c’est ce qu’on peut assez clairement intituler un cheval de Troie…
L’ensemble des autres États du Conseil européen ont quant à eux validé l’ouverture des négociations d’intégration avec l’Ukraine et la Moldavie. La Bosnie-Herzégovine, de son côté, doit attendre encore quelques mois, et peut-être surtout fournir des garanties. Enfin la Géorgie a obtenu le statut de pays candidat, ce qui paraissait inespéré il y a encore plusieurs semaines.
Étant donné qu’il y a déjà quelques voix qui s’élèvent contre ces annonces, rappelons toutefois une nouvelle fois quelques éléments : l’intégration de nouveaux États membres est un processus extrêmement long qui nécessite de multiples réformes. Par exemple, alors que le Monténégro a obtenu l’ouverture des négociations en 2012, aujourd’hui le pays n’est toujours pas intégré malgré des changements politiques drastiques, notamment relatifs à la démocratie nationale et à la lutte contre la corruption. On pourrait affirmer la même chose de l’Albanie, qui est dans une situation similaire vis-à-vis de son processus d’adhésion à l’UE. Mettons donc fin aux fantasmes de plusieurs voix des gauches et des droites radicales : même avec de l’empressement, l’Ukraine et la Moldavie ne seront donc pas intégrées demain.
Il y a par ailleurs un autre élément essentiel à comprendre : c’est le rôle de transformation sociétale que joue le processus d’intégration. Pour le meilleur, pour les États concernés, surtout vu l’héritage yougoslave et/ou soviétique de ceux-ci. Et finissons là dessus pour ce sujet, l'intégration repose avant tout sur le principe de solidarité.
Politique italienne et immigration en Europe
L'autre sujet qui fait beaucoup parler, en ce moment, est celui de l’immigration, ou plus spécifiquement du phénomène migratoire vers les États de l’UE. Tant que la Commission européenne ne délivre pas son projet de mise en commun du contrôle et de l'accueil, les États membres lancent en effet des travaux législatifs. En France, nous avons par exemple récemment fait l’expérience du rejet du projet de loi Immigration à l’Assemblée nationale, dont le travail se poursuit néanmoins en commission mixte paritaire. Nous ne sommes ainsi pas les seuls Européens à tâcher de travailler sur ce sujet si sensible, hautement révélateur des visions d’avenir que les uns et les autres souhaitent proposer.
Intéressons-nous à L’Italie, où Giorgia Meloni, la présidente du Conseil italien, avait justement été élue sur un programme profondément anti-immigration, à tel point qu’elle finissait souvent ses meetings politiques en promettant de libérer les Italiens de la migration.
Personne ne peut le nier, en Europe, c’est l’Italie qui, du fait de sa géographie, est parmi les tout premiers États soumis, en nombre d'arrivées, à la crise de l’accueil des personnes fuyant les persécutions de leur pays natal, ou bien celles à la recherches d’opportunités économiques pour se sortir de l’état de misère.
Alors que depuis son accession au pouvoir, le gouvernement de droite extrême italien essaie de trouver des solutions pour tenir ses promesses électorales, il faut bien dire combien rien ne paraît fonctionner comme promis. Giorgia Meloni est obligée de rétropédaler, confrontée à la réalité légale de ce qui est rendu possible par le droit – et par les seuls faits – et ce qui ne l’est pas.
Comme d’autres États européens, l’Italie a par exemple ouvert le sujet de l'externalisation des demandes d’asile, non pas vers le Rwanda comme le Royaume-Uni par exemple, mais vers l’Albanie, avec laquelle elle a par ailleurs signé un protocole d’entente à cet égard, avant que celui-ci ne soit suspendu par les juridictions suprêmes albanaises, justement du fait de ce que permet le droit international en la matière. Le Royaume-Uni avait par ailleurs aussi connu une pareille réponse de ses autorités judiciaires. Le but d’une telle manœuvre, c’est toujours de traiter les dossiers des demandeurs d’asile en dehors des frontières nationales du pays. L’accord de principe a été signé, mais la cour constitutionnelle albanaise, saisie par l’opposition, a donc statué sur le statu quo.
Autre revirement de situation (de taille !) pour l’Italie : Giorgia Meloni a annoncé, il y a quelques jours, et à la surprise générale, vouloir faire entrer près de 500 000 travailleurs étrangers en Italie d’ici 2025. Cette déclaration n’est pas anodine, puisqu’à l’exception notable de l’Allemagne, aucun Etat européen n’accueille, n’a accueilli ou n’a indiqué vouloir accueillir autant (à l’exception aussi de la Pologne vis-à-vis de l’Ukraine, comme on l’a dit précédemment, mais ce qui n’a rien à voir avec de l’immigration économique) ! Car c'est en effet le manque de bras dans les secteurs en tension partout en Europe, et en Italie particulièrement, où la démographie est en berne, qui a justifié cette position étonnante de la présidente Meloni. Cette décision ne sort pas de nulle part, puisque l’Italie est confrontée à un déficit important de son taux de fécondité, parmi les plus préoccupants en Europe, puisque le pays se positionne 24eme sur 27, avec un taux à 1,24 enfant (contre 1,83 pour la France, qui se positionne première). C’est donc cet élément qui préoccupe le gouvernement italien et pousse Mme Meloni dans cette voie étroite vis-à-vis des Italiens et de ses électeurs particulièrement, puisque le pays reste aujourd’hui l’un des piliers de l’industrie européenne. Logiquement, il faut ainsi trouver des moyens afin de ne pas laisser l’industrie du pays mourir de son manque de main d'œuvre.
Le but n’est pas de discuter de cette question, qui se pose de plus en plus souvent, qu’on pourrait traduire par “faut-il oui ou non faire des enfants ?”, mais plutôt de considérer combien le sujet de l’accueil et de l’immigration est en fait assez éloigné du fantasme identitaire entretenu par beaucoup des représentants des droites et des extrêmes droites européennes. La question est globale : souhaitons-nous accueillir des travailleurs de l’ombre,, et pourtant ce sont ceux qu'on a appelés premiers de corvée au cours de la pandémie de covid19,, dans les cuisines de nos restaurants et dans nos champs pour nous nourrir, comme c’est déjà parfaitement le cas, en France, en Italie et ailleurs encore, et tâcher de les dissimuler, ou bien souhaitons-nous accueillir de futurs résidents intégrés, qui participent à la vie économique – et donc sociale – de nos pays ?
L'opinion française à 7 mois des élections européennes de 2024
Notre dernier sujet du jour est celui, non moins important, des dernières études d'opinion française dans le cadre du scrutin européen, qui ont certes permis de confirmer l‘ancrage du Rassemblement national en tête des intentions de vote à 7 mois du scrutin, mais aussi permis de constater d’autres dynamiques à l’œuvre, entre décélérations et regains d’intérêt.
Ainsi non seulement l’extrême droite classique, représentée par le Rassemblement national de Jordan Bardella, augmente largement dans toutes les enquêtes d’opinion, pour se hisser entre 27 et 29 % d’intentions de vote des Français, loin devant les concurrents directs. Les autres tenants de cette extrême droite, même si des divergences légères existent, sont donnés à environ 2,5 % pour le parti de Dupont-Aignan et entre 6 et 7 % pour le parti représenté par Marion Maréchal. En outre des micro-dynamiques d’individus comme les Frexiteurs et le mouvement de Florian Philippot, on a donc une extrême-droite française à 40 % des intentions de vote dans l’état actuel des choses. Jamais ses tenants n’ont été donnés aussi haut.
On va évoquer 2 enquêtes d’opinion sérieuses, qui donnent sensiblement les mêmes résultats, pour vous illustrer cette dynamique : une de l’IFOP, qui s’appuie sur un échantillon d’un peu plus de 1 000 individus, et celle de l’IPSOS, pour laquelle l’échantillon est bien plus élevé, puisqu’il s'établit à presque 12 000 répondants, ce qui est une méthode permettant de drastiquement réduire les marges d’erreur à maximum 1 %. Concrètement, et même si les résultats des 2 enquêtes d’opinion sont sensiblement les mêmes, cela signifie qu’en l’état actuel des dynamiques politiques françaises, si une personnalité politique comme Jordan Bardella est donnée avec une liste aux Européennes à 28 % des intentions de vote, si l'élection avait lieu demain la présente liste obtiendrait entre 27 et 29 % des voix des votants.
Bien sûr, le partage des voix total dépendra aussi beaucoup du niveau de participation final, puisqu’on sait combien cette élection peut mobiliser dans le cadre des campagnes qui sont menées, plus encore depuis que les sujets européens sont sur le devant de la scène médiatique, avec les répercussions de la dernière pandémie et celles liées à la guerre que mène la Russie terroriste en Ukraine.
Derrière le RN arrive, en matière de sondages, la liste sans doute menée par Stéphane Séjourné (actuellement député et président du groupe Renaissance au Parlement européen) pour Renaissance, à savoir les mouvements composant la majorité présidentielle française (MoDem, En marche, Horizons, etc.) Si elle est certes en deuxième position, elle est donnée à 20 % des intentions de vote, c’est-à-dire très loin derrière le RN, quasiment 10 % derrière. Et ce n’est pas prêt de s’arranger puisque la dynamique, sondage après sondage, n’est PAS en la faveur de ce camp, qui perd peu à peu des points (sans doute du fait de l’impopularité
des politiques nationales qu’il mène.
La surprise intervient s’agissant de la 3ème place, puisqu’elle est assez aisément attribuée à l’éventuelle liste PS/Place publique (et autres mouvements affiliés) menée, comme en 2019, par Raphaël Glucksmann, donnée jusqu’à 10,5 % d’intentions de votes, à savoir liste en constante augmentation depuis que les sondages relatifs à l’élection européenne 2024 sont menés en France, sans faille, contrairement aux autres listes de gauche, toute en baisse sondagière. En 2019, ce sont les Verts qui avaient su tirer leur épingle du jeu et réaliser un très bon score en obtenant la 3ème place française. En 2024, c’est donc la liste menée par Raphaël Glucksmann qui prendrait possiblement cette place, suivie de la liste des Verts (donnée entre 8 et 10 %), suivie de la liste de LFI, qui serait elle-même possiblement effacée derrière celle de Reconquête menée par Marion Maréchal pour l’extrême droite (entre 7 et 8 % pour les 2 partis, c’est dire la désaffection des Français depuis les outrances des représentants de LFI ces dernières semaines !)
Tout ceci est d’autant plus éclairant que les électorats de l‘extrême gauche (notamment celui de LFI) et de l’extrême droite (notamment celui de Bardella et Le Pen) sont des électorats qui se déplacent peu aux élections européennes, puisque ce sont assez largement moins de la moitié de ces électeurs qui ont déclaré aux enquêteurs d’opinion être certains de se rendre aux urnes le dimanche 9 juin.
La liste du Parti communiste oscille, selon les enquêtes, entre 3 et 4,5 %. La liste des Républicains, elle, est donnée entre 7 et 9 %. On peut dire que c’est une désaffection majeure des Français à l'endroit de ces derniers si cela se confirme. Les individus ayant répondu à l’enquête sont donc surtout ceux certains d’aller voter ; et pour ceux-ci c’est la candidature PS/Place publique (et autres mouvements affiliés) et celle de Jordan Bardella pour le RN qui emportent le regain d’adhésion le plus massif depuis que les sondages relatifs au scrutin 2024 sont menés.
Breizh Europe France, que nous représentons avec honneur à l’antenne de cette radio tous les mois depuis des années maintenant se fixe une mission quasi exclusive ces prochains mois : sachant que moins de 30 % des jeunes français de moins de 25 ans déclarent être certains de se rendre aux urnes le 9 juin, nous nous efforcerons de convaincre les 70 % restants de l’immensité du défi qui les regarde, et donc de l’extrême urgence, pour elles et pour eux, de voter pour ce qui les regarde et aura des répercussions immenses : défi climatique, défi migratoire, défi de la paix sur le continent, défi de la santé commune face aux pandémies possibles et à leur gestion, défi de la lutte en faveur de la démocratie et des droits de l’Homme, défi de la prospérité économique, défi de la précarité énergétique.
Pour tous ces sujets, l’UE est la bonne échelle, et les jeunes le savent.