Comment l'UE peut-elle maintenir la paix ?
Publié le 16/04/2024Chaque mois dans Lem, l'association Breizh Europe Finistère nous aide à comprendre les enjeux de la politique de l'Union européenne : analyses et interviews. En ce mois d'avril 2024 marqué par de nouvelles tensions entre Israël et l'Iran, l'association revient sur le rôle de l'UE dans le maintien de la paix.
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Chronique de Josselin Chesnel
Nous proposons de centrer cette chronique autour d’un enjeu qui fait couler beaucoup d'encre et suscite beaucoup de commentaires depuis plusieurs semaines, avec la situation de guerre en Ukraine du fait de la Russie, celle à Gaza du fait du Hamas et de la réplique israélienne, et celle entre Israël et l’Iran depuis le week-end dernier : à savoir le défi des conflits dans le monde, et donc de la possible diplomatie européenne dans ce cadre.
Car d’autres conflits ou situations difficiles doivent aussi attirer l’attention des Européennes et des Européens : en Europe dans le voisinage immédiat avec la Moldavie, la Géorgie et l’Arménie, mais aussi dans la région dite des Balkans occidentaux, où des situations tendues comme en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo pourraient se tendre plus encore selon ce qu’on appelle le Grand jeu, à savoir les stratégies des grandes puissances (Etats membres de l’UE, Chine, Russie, Etats-Unis, Turquie même) et des nations directement concernées, et là on pense à la Serbie, l’Azerbaïdjan et d’autres.
L’Union européenne, instrument de paix, dès sa construction
D’abord historiquement, bêtement, car c’est sa construction même : la France et l’Allemagne, ennemies héréditaires, ont permis cette réalisation exceptionnelle, au service d’une amitié exceptionnelle entre 2 nations, pour un continent entier, d’abord avec 4 autres, pour faire 6 fondateurs, puis à 27, et prochainement davantage. C’est une réalisation politique unique au monde : un marché, une mise en commun des productions, la prospérité, et donc la paix de facto, en sus de projets politiques communs de plus en plus forts et ambitieux, notamment dans la lutte contre le dérèglement du climat.
Je vous propose donc un billet axé sur la possible voie diplomatique et géopolitique de l'Union européenne pour garantir la paix ici et là dans le monde, en mettant l'accent sur les défis qui nous occupent actuellement.
C'est d'autant plus pertinent que cela revêt une importance particulière à l'approche des élections européennes, dont on rappelle à toutes fins utiles qu’elles auront lieu le dimanche 9 juin en France. N’hésitez par ailleurs pas à vous rendre sur le site du gouvernement pour vérifier votre situation électorale et ainsi voir si vous êtes bel et bien inscrites et inscrits pour voter, car à chaque scrutin il y a des électeurs non ou mal inscrits. C’est vérifiable en une petite minute.
Sans être léger, mais en tâchant d’être concis, vu les actualités irano-israéliennes du weekend passé, nous allons donc commencer par l’évocation des conflits au Moyen-Orient. Nous savons combien ces tensions persistantes ont un impact sur la stabilité de la région, sensible par essence. Dans ce cadre, nous pouvons affirmer combien personne ne souligne jamais le rôle de l'Union européenne, pourtant actif, dans la recherche d'une solution diplomatique.
En effet, si elle n’a jamais été en 1ère ligne – semblablement aux Américains, notamment sous Clinton avec la signature des accords d’Oslo par Rabin et Arafat en 1993, l'Union européenne s'efforce néanmoins depuis toujours de promouvoir le dialogue et la négociation entre les parties concernées, soutenant au nom de 27 Etats (ce qui n’est pas rien !) une solution pacifique basée sur la coexistence de 2 États, Israël et la Palestine, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité en dépit des différends.
Mais la situation a drastiquement été bouleversée par l’attaque du Hamas du 7 octobre dernier sur les populations civiles du sud d’Israël, ainsi que la réplique israélienne à Gaza, qui se trouve depuis sous un feu incessant de bombes. Et c’est sans faire mention du conflit entre l'Iran et Israël, qui suscite de très vives inquiétudes depuis le weekend dernier quant à une escalade grave.
L'Union européenne face au conflit moyen-oriental
Au-delà des prises de position des États membres prises séparément, notamment la France, qui a aidé aux côtés des Britanniques, des Américains, des Jordaniens et d’autres à neutraliser les missiles et drones iraniens lancés sur Israël, l'Union européenne considère ce conflit comme une menace pour la stabilité du Moyen-Orient et soutient tous les efforts visant à désamorcer les tensions et à promouvoir le dialogue. L'objectif : parvenir à une solution diplomatique qui garantisse la sécurité de tous les acteurs de la région et même du reste du monde, au-delà de ces seules nations, géographiquement stratégiques pour le commerce d’énergie et d’autres biens de consommation par le biais du transport maritime.
Et cette situation qui occupe les esprits, ce qui est bien sûr normal, ne doit néanmoins pas faire oublier le conflit en Ukraine, du fait de la Russie qui la pilonne quotidiennement et y fait des dégâts considérables, ce qui est la priorité sécuritaire numéro 1 de l’Union.
L’Union européenne et l'Ukraine
Fermement, elle soutient et appuie la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine, pas toujours suffisamment rapidement aux yeux des Ukrainiens, par le biais de prêts et de dons financiers, humanitaires, en matière de formation militaire et surtout en matière de livraison d’armes. Elle condamne les actions de la Russie et la sanctionne lourdement économiquement.
Tous ces défis géopolitiques sont d'une importance cruciale à l'approche des élections européennes, et c’est ce que nous tâchons d’expliciter aujourd’hui, car ils influencent forcément les opinions et les débats politiques qui prennent place en Europe.
C’est explicable : les électeurs sont attentifs aux positions des différents partis politiques sur ces questions sensibles, car on sent bien combien l’incertitude ambiante, qui nous sort brutalement d’une sorte de sérénité à laquelle on s’était habitués chez nous, pourrait dès demain nous concerner très directement si on n’essayait pas d’agir dès aujourd’hui pour une forme de paix retrouvée, sans angélisme toutefois. Il est donc normal que le débat se concentre parfois sur les politiques étrangères de l’Union et sa capacité à faire entendre une voix forte sur la scène internationale, ce qu’on a beaucoup pu lui reprocher dans un passé encore récent.
Les mesures européennes de résolution pacifique des conflits
Sur le volet Dialogue et Diplomatie : L'Union européenne encourage activement le dialogue entre les parties en conflit. Quand elle y parvient, comme c’est notamment le cas en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo depuis la fin des conflits armés ayant marqué la région dans les années 1990 et 2000, elle facilite les négociations et soutient les initiatives de médiation politique. Dans ces cas, l’UE organise en effet régulièrement des réunions entre Ministères concernés dans les pays en question ou des sommets régionaux entre nations concernées afin de pousser ces pays à se faire partenaires sur des défis communs.
C’est en effet l'UE qui a joué un rôle clé dans la négociation et la mise en œuvre de l'accord de paix de Dayton en 1995, qui a mis fin à la guerre en Bosnie-Herzégovine. L'UE fournit un soutien continu pour la consolidation de cette paix, la réconciliation intercommunautaire et le renforcement des institutions démocratiques dans le pays. En Serbie et au Kosovo, c’est l'UE qui a facilité les négociations pour parvenir à un accord de normalisation des relations entre les deux parties, même s’il ne faut pas nier l’extrême fragilité de cette relation entre les 2 pays.
Sur le volet Sanctions économiques et diplomatiques : L'Union européenne, forte de quasiment 1 demi-million d’habitants, peut imposer des sanctions économiques et diplomatiques à l'encontre des pays ou des entités impliqués dans les conflits. C’est notamment le cas pour la Fédération de Russie, considérée très durement depuis l’invasion totale de l’Ukraine débutée en février 2022 sans motif valable en droit. Ces sanctions visent bien sûr à exercer une pression sur les parties en conflit afin de les inciter, dos au mur, à rechercher des solutions pacifiques.
Russie : La Russie est même sous sanctions depuis l'annexion illégale de la Crimée en 2014, comprenant dès cette année-là des restrictions sur les échanges commerciaux, les investissements, les voyages et le gel des avoirs de certaines personnalités et entités russes.
Iran : En raison des préoccupations concernant le programme nucléaire de l'Iran, l'Union européenne a codéveloppé des sanctions visant à restreindre les activités commerciales et financières avec l’Iran pour limiter son accès aux technologies sensibles, aussi parce qu’elle a été considérablement mise sous pression par les Américains.
Syrie : En raison du conflit civil et des innombrables violations des droits de l'Homme commises par le régime syrien de Bachar al-Assad, aussi appelé le Boucher de Damas, pour avoir fait assassiner près d’un demi-million de Syriens sous les bombes, au bout de fusils et à coups de gaz sarin, l'Union européenne a mis en place des sanctions économiques et diplomatiques à l'encontre du gouvernement syrien et de ses soutiens. Cela comprend des embargos, des restrictions sur les transactions financières et le gel des avoirs de certaines personnes et entités.
Sur le volet Aide humanitaire, Aide au développement et Reconstruction : L'Union européenne fournit une aide humanitaire aux populations touchées par les conflits, en particulier aux victimes civiles. C’est assez méconnu : elle est même le 1er pourvoyeur mondial d’aide au développement, devant le gouvernement américain. Elle contribue aussi à la reconstruction des bâtiments détruits et des infrastructures dites critiques. Directement, l’Union réduit donc la pauvreté et améliore les conditions de vie.
Sur le volet Missions de maintien de la paix : L'Union européenne peut déployer des missions de maintien de la paix dans les zones de conflit pour surveiller la situation, faciliter le dialogue et aider à instaurer un climat propice à la résolution pacifique, ce qu’elle fait quotidiennement dans la région des Balkans occidentaux, comme je l’ai précédemment indiqué, mais aussi au-delà, par exemple sur certains théâtres africains.
Enfin sur le volet Soutien aux initiatives de paix existantes : L'Union européenne soutient financièrement et politiquement les initiatives de paix menées par des acteurs locaux et internationaux, comme les ONG et les Nations unies, en contribuant aux efforts de résolution des conflits.
L'objectif global qui anime l’Union, aussi du fait de son histoire fondée sur des siècles de guerres entre nations et 2 Guerres mondiales : promouvoir la paix, la stabilité et le respect du droit international dans les zones de conflit.
Ce n’est pas pour rien si, en 2012, le comité Nobel choisissait l’Union européenne pour se faire détentrice du Nobel de la paix.
On lit et on entend souvent que l’Union européenne a permis la paix en son sein grâce à la prospérité de son marché, conformément à ce que désiraient ses Pères fondateurs.
Le pouvoir économique de l'UE pour maintenir la paix
Alors on se demande si, de la même manière, l'UE utilise – ou non – son marché et son pouvoir économique – énorme, faut-il le souligner, le marché commun étant le plus important au monde – pour participer à la prospérité du monde, et donc à la paix ?
On peut considérer que c’est le cas. Voici quelques exemples :
Sur le volet Libre-échange et Accords commerciaux : L'Union européenne promeut le libre-échange et conclut des accords commerciaux avec des pays et des régions du monde entier. C’est peut-être contestable, mais certains avancent que ces accords favorisant les échanges économiques, ils stimulent les opportunités de coopérations mutuelles et contribuent donc à la prospérité entre partenaires.
Sur le volet Investissements et Coopération économique : L'Union européenne encourage les investissements de ses membres dans les pays voisins et au-delà, favorisant ainsi la création d'emplois et le transfert de technologies. Elle met également en place des programmes de coopération économique et technique pour promouvoir le développement des secteurs clés. C‘est entre autres ce qu’elle fait beaucoup dans les États des Balkans occidentaux, notamment en matière d’infrastructures de transport (rail, autoroutes, hubs divers…) L’UE cherche en effet, autant que faire se peut, à faciliter la circulation des biens et des services et promouvoir la coopération dans les secteurs clés tels que l'énergie.
Enfin sur le volet Normes et Réglementations : L'Union européenne définit des normes et des réglementations élevées dans des domaines tels que l'environnement, les droits de l'Homme, la protection des consommateurs et la protection des données. Ce sont même les normes les plus élevées au monde. En faisant du respect de ces normes une condition pour tout partenariat, l'UE encourage la promotion de valeurs communes, ce qui contribue à l'amélioration des relations et atténue d’après elle les possibilités de conflits.
Pour tâcher d’être complets, on peut aussi souligner que l'Union européenne utilise des critères précis pour déterminer les pays qui nécessitent une assistance prioritaire, poussant ainsi mécaniquement les possibles processus de paix. On peut par exemple indiquer combien l'UE tient effectivement compte de l'engagement des pays en question en faveur de la démocratie, de l'État de droit, des droits de l'Homme ou encore de la lutte contre la corruption. C’est notamment très clairement le cas de l’Ukraine, qui engage des réformes difficiles en ce sens alors qu’elle est en guerre. Ca n’est jamais dit si clairement, mais les pays qui montrent une volonté politique de réforme en ce sens sont donc considérés comme prioritaires par l’Union, d’autant plus s’ils font partie de son voisinage direct et que c’est stratégiquement important pour elle dans le cadre d’une approche d’élargissement futur.
En effet, les pays du voisinage de l'UE bénéficient clairement d'une attention particulière en raison de leur proximité géographique et de l'importance des relations avec ces pays pour la stabilité et la prospérité du continent européen, et donc de l'UE. Certes on y compte les pays des Balkans occidentaux, mais aussi ceux de la région de la mer Noire, ceux du Maghreb et jusqu’à la Turquie. C’est par ailleurs partiellement ce qui explique les inquiétudes autour des conflits guerriers très vifs entre Azerbaïdjan et Arménie, mais aussi les tensions politiques qui inquiètent en Bosnie-Herzégovine d’une part, avec les Bosniens serbes menaçant de violemment faire sécession, mais aussi entre le Kosovo et la Serbie, la 2nde refusant effrontément de reconnaître l’existence du 1er depuis son indépendance décrochée en 2008.
La Politique européenne de voisinage dispose même d’un outil financier visant à renforcer les relations entre Etats en promouvant la stabilité, la prospérité et la sécurité dans les régions voisines de l'UE. Les pays inclus dans cet instrument de soutien financier sont :
À l'Est : l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Géorgie, la Moldavie et l'Ukraine. Pour des raisons évidentes liées à l’invasion de l’Ukraine par la Russie et la Biélorussie, cette dernière ne fait plus partie de la liste des pays bénéficiant de l’outil.
Au Sud : l'Algérie, l'Égypte, Israël, la Jordanie, le Liban, le Maroc, les territoires palestiniens occupés et la Tunisie. Pour des raisons évidentes évoquées précédemment, la Syrie et la Libye sont moins concernées par l’outil, et la question de la Palestine de la bande de Gaza est posée en l’absence de libération les otages internationaux par le Hamas d’une part, et elle est posée pour Israël en l’absence d’un cessez-le-feu d’autre part.
Dans tous les cas, c’est l’existence de cet outil financier et technique de voisinage qui doit permettre, dans l’esprit de l’Union européenne, de contribuer à l’obtention d’une sérénité entre nations et donc d’une paix durable.
C’est donc clair : s'il est difficile de parler une fois pour 27 États, c’est fait, autant que possible, et de plus en plus, toujours en faveur d’une stratégie de paix entre le plus grand nombre de nations, dans le respect de l’intégrité territoriale de chacune.
N'oubliez pas : vous avez une voix potentiellement très forte – utilisez-là pour le scrutin européen du 9 juin 2024 ! Car la prochaine majorité au Parlement européen portera aussi une voix sur ces aspects internationaux.