L'Union européenne après les élections du 9 juin 2024

Publié le 25/06/2024
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Chaque mois dans Lem, l'association Breizh Europe France nous aide à comprendre les enjeux de la politique de l'Union européenne : analyses et interviews. Les élections européennes du 9 juin 2024 sont passées, l'Assemblée nationale française a été dissoute, la Hongrie s'apprête à présider l'UE.

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Chronique de Maël Cordeau et Josselin Chesnel 

D’après nos calculs, il s’agit de la 40ème émission que nous proposons sur l’Europe et l’Union européenne.
Avant le 9 juin 2024 nous pensions vous proposer une analyse complète des résultats des élections européennes. Mais l’actualité fait que nous allons nous adapter et vous proposer 3 sujets.

  • En premier lieu, nous parlerons bel et bien des Européennes pour lesquelles nous avons tant œuvré auprès du public et notamment des primo votants. 
  • Dans un second temps nous parlerons des élections législatives françaises, consécutives à la dissolution de l'Assemblée nationale et qui approchent à grands pas (ndlr les 30 juin et 7 juillet 2024). 
  • Enfin nous aborderons en quelques mots le sujet qui fait trembler les hautes sphères de l’Union européenne : le changement de présidence du Conseil de l’Union européenne en faveur de la Hongrie.

Analyse des résultats des élections européennes du 9 juin 2024 et perspectives

Commençons par les élections européennes de 2024. Les résultats ont profondément transformé le paysage parlementaire. Le groupe Renew Europe et les Verts/ALE ont perdu plusieurs sièges, tandis que les groupes eurosceptiques et nationalistes comme Identité et Démocratie (ID) ont gagné du terrain.
Avec 83 sièges à l'heure à laquelle nous parlons, le groupe des Conservateurs et Réformistes Européens (ECR) a même renforcé sa position (le
groupe ID en a obtenu 58) ! Ces résultats reflètent un déplacement des électeurs vers des positions plus conservatrices et eurosceptiques .
En France, le Rassemblement national (RN) a obtenu environ 31,47 % des voix, soit 30 sièges au Parlement européen, une augmentation conséquente par rapport aux élections de 2019 où il avait remporté 23 sièges avec 23,34 % des voix. Ce succès est particulièrement marqué dans les zones rurales et parmi les ouvriers et employés .
Le parti Renaissance, représentant la majorité présidentielle, a obtenu 14,56 % des voix et 13 sièges, contre 22 sièges en 2019. Si cette perte reflète peut-être une déception des électeurs face aux politiques européennes actuelles, cela dit aussi quelque chose de fort sur la déception des électeurs français vis-à-vis du parti présidentiel.
Le Parti socialiste et Place publique, avec Raphaël Glucksmann, ont recueilli 13,80 % des suffrages, correspondant également à 13 sièges, ce qui est une nette amélioration par rapport aux 6 sièges obtenus en 2019. La France Insoumise de Manon Aubry a reçu 9,87 % des voix, soit 9 sièges, une légère hausse par rapport aux 6 sièges obtenus en 2019 .
Les nouveaux rapports de force au Parlement européen auront un impact important sur l'élection du prochain président du Parlement, ainsi que sur les nominations aux "top jobs" de l'UE, tels que les présidents de la Commission européenne et du Conseil européen. En 2019, les discussions pour ces postes avaient été marquées par des négociations intenses entre les principaux groupes politiques. Cette année, avec une fragmentation accrue, ces négociations seront encore plus complexes. Elles le sont déjà.
Le PPE, traditionnellement le groupe le plus influent, celui des conservateurs de la droite européenne traditionnelle, pourrait voir sa domination contestée par ces nouvelles dynamiques. Les discussions pour former une coalition sont et seront cruciales pour déterminer les priorités législatives de l'UE pour les prochaines années. 
On spécule aussi sur le rôle des nouveaux partis et des députés indépendants, qui pourraient très éventuellement jouer un rôle de faiseurs de roi dans ce contexte fragmenté. Les enjeux sont élevés, notamment pour les politiques climatiques, économiques et migratoires .

Lien entre l'Assemblée nationale française et l'Union européenne

Depuis l'annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par le président Macron au soir du 9 juin 2024, la confusion généralisée ne doit toutefois pas nous empêcher de nous pencher sur le rôle possible de l’AN en matière européenne. L'Assemblée nationale joue en outre un rôle crucial dans la transposition des directives européennes en droit national et le contrôle de la subsidiarité.
Par exemple, il se trouve que c'est aussi la commission des Affaires européennes de l'Assemblée nationale qui examine les propositions législatives de l'UE et surveille la mise en œuvre des politiques européennes en France. Ce n'est pas négligeable. Une des fonctions principales de cette commission des Affaires européennes de l’AN est d'ailleurs aussi de s'assurer que l'échelle (de la transposition) respecte le principe de subsidiarité, c'est-à-dire du traitement politique au niveau le plus efficace, national ou local, sauf bien sûr si une action à l'échelle de l'UE est plus appropriée. 

Il est par ailleurs intéressant de noter les différences de scrutin entre les élections européennes et les législatives. Car le confusionnisme ambiant n'aide pas à avoir à l'esprit les différences majeures d'un scrutin et de ses défis à un autre scrutin et ses défis propres. Les élections européennes utilisent effectivement un scrutin proportionnel de liste à un seul tour, tandis que les législatives françaises utilisent un scrutin majoritaire à deux tours. Cela explique en partie pourquoi des partis comme le Rassemblement national réussissent mieux aux européennes. La proportionnelle est en effet le meilleur moyen d'être certain d'obtenir des élus en fonction de son score s'il est supérieur à 5 % dans le cadre du scrutin européen, ce que ne permet pas un scrutin majoritaire comme celui des législatives françaises.

Le scrutin proportionnel permet une meilleure représentation des partis minoritaires, alors que le scrutin majoritaire favorise les grands partis / les individualités bien établis. Cela modifie considérablement la dynamique politique entre ces deux types d'élections. Cette différence de scrutin reflète aussi des stratégies politiques variées, où les partis doivent adapter leurs campagnes et leurs discours en fonction du type d'élection. Les élections européennes permettent à des voix plus diverses de se faire entendre au Parlement européen, ce qui peut influencer la législation européenne, disons d'une manière plus représentative de l'ensemble de la population européenne votante.

Les 30 juin et 7 juillet 2024, nous sommes donc amenés à nous prononcer en faveur d'un député par circonscription nationale, sachant qu'il en existe 577 en tout. Le Finistère par exemple en a 8. Selon que nous votons pour un député du RN, du NFP ou de Renaissance, ou d'un autre candidat encore, par exemple divers droite ou divers gauche, les dynamiques parlementaires nationales en la faveur ou en la défaveur de la construction européenne ne seront ainsi pas les mêmes. Le cas du NFP est singulier, puisque la relation et l'attachement au fait européen varient du tout au tout, entre les candidats NPA et LFI d'une part, par exemple, et les candidats socialistes et écologistes d'autre part. Il est ainsi important de pouvoir faire son choix en conscience. Rappelons par ailleurs que c'est l’AN qui vote le budget, notamment celui des armées, et donc le soutien au bouclier de la résistance ukrainienne, par exemple. Ce n'est donc pas une question anodine si les sujets européens, internationaux et géopolitiques globalement vous intéressent et sont en mesure d'influencer votre vote.

La Hongrie à la Présidente du Conseil de l'Union européenne

La Hongrie, sous Viktor Orbán, prendra la présidence tournante de juillet à décembre 2024, ce qui suscite de vives controverses . La Belgique, qui termine sa présidence, a même tenté à quelques reprises de profiter de sa propre présidence tournante pour engranger des soutiens afin de contribuer à bloquer les Hongrois dans leurs velléités de ne pas faire avancer suffisamment rapidement l’UE sur des sujets jugés phares comme le soutien à l’Ukraine. La Hongrie est en outre régulièrement accusée de bafouer les valeurs démocratiques de l'UE, notamment en ce qui concerne la liberté des médias, l'indépendance de la justice et les droits des minorités.

Le Parlement européen a exprimé des doutes sur la capacité de la Hongrie à diriger efficacement le Conseil de l'UE. Certaines propositions, dans la lignée de ce que souhaitaient notamment les Belges, ont même visé à réduire la coopération avec la présidence hongroise au strict minimum. La Hongrie a pourtant des objectifs qu'elle affiche comme ambitieux pour sa présidence, notamment la réforme (encore ! …après le tout récent Pacte Asile et migration…!) des politiques migratoires. On constate même un slogan inspiré de Donald Trump pour cette présidence tournante qui arrive, à savoir "Make Europe Great Again".
Bref, la légitimité de cette présidence est contestée, et l'UE pourrait se trouver dans une situation délicate si des blocages survenaient de plus en plus fréquemment, comme ce fut le cas pour plusieurs sujets sensibles assez récemment encore. La vigilance et l'engagement citoyen seront essentiels pour surveiller cette période critique.

Si d'aucuns pensent que c'est une période charnière pour la France, ça l'est au moins autant pour l'Union européenne, et chaque citoyen a un rôle à jouer pour garantir que les valeurs fondamentales de l'UE soient respectées et défendues. Les six mois à venir seront déterminants pour l'avenir de l'Europe et de la France en son sein, d'autant plus si c'est un Premier ministre et un gouvernement eurosceptiques que les Français auront choisis d'ici là.

La présidence hongroise sera aussi un test pour l'UE dans sa capacité à gérer les tensions internes tout en avançant sur des dossiers cruciaux comme le climat, le phénomène migratoire et l'économie et la défense commune.