Au coeur des cheminées hydrothermales du Pacifique

Publié le 21/01/2025
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On plonge au fond de l'océan Pacifique à la découverte de cinq cheminées hydrothermales nouvellement repérées, en compagnie de l'un des scientifiques qui les étudie, le géophysicien marin Thibaut Barreyre.

C'est au sein de l'équipe de recherche du Woods Hole Oceanographic Institution (WHOI)* que Thibaut Barreyre a découvert en janvier 2023 cinq nouvelles cheminées hydrothermales à 2500 mètres au fond du Pacifique. Lui est géophysicien marin (CNRS au laboratoire Geo-Ocean - UMR CNRS -Ifremer -UBO –UBS), mais l'équipe compte aussi des biologistes et chimistes. 

Car les cheminées hydrothermales sont de véritables univers sous la mer. 

Ces monticules de quelques mètres de diamètre jusqu'à 11/12 mètres de haut et qui crachent des "fumées noires, parfois blanches". Ce fluide est chargé en minéraux ; il sort à température variable, jusqu'à 380 °C et se précipite au contact de l'eau de mer, formant peu à peu les cheminées. Ces formations sont liées la plupart du temps à une activité volcanique, notamment les dorsales océaniques, ces immenses chaines volcaniques sous-marines qui contribuent à la formation des croutes océaniques. Les cheminées se déplacent d'ailleurs au fil de l'évolution de la croute et s'éloignent peu à peu du point chaud qui les a générées, jusqu'à s'éteindre (à une échelle géologique). Ou bien, une éruption vient les faire exploser. 

Le site 9°50 de l'océan Pacifique, aux sources des cheminées hydrothermales

Dans le Pacifique, le site 9°50 est "historique". C'est là qu'on a découvert les premières cheminées hydrothermales à la fin des années 1970. Il est donc scruté depuis longtemps par les scientifiques. En janvier 2023, l'équipe du WHOI a exploré une zone un peu plus lointaine que le site originel et a donc découvert cinq cheminées, jusqu'alors inconnues. Pour découvrir ces cheminées, il a d'abord fallu faire cartographier les fonds marins par des robots sous-marins autonomes. En fonction des reliefs relevés, des anomalies de température et de chimie, les scientifiques se sont dirigés vers les zones prometteuses. L'opacité des fonds marins à cette profondeur ne permet pas de repérer visuellement les fumeurs noirs ; il faut vraiment plonger au plus près pour pouvoir les observer. 

Une fois repérées, les cheminées ont donc été scrutées : prise d'images, mesures, prélèvements de matières, des fluides et... de certaines espèces vivantes présentes sur place.

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Crédit photo : Thibaut Barreyre 

Des sources de vie foisonnantes qui se passent de soleil

Les cheminées hydrothermales sont en effet grouillantes de vie : vers géants (1,5 m), anémones, crevettes, crabes ou moules, sans oublier les bactéries indispensables pour convertir l'énergie chimique en matière organique qui pourra être consommée.  C'est grâce aux cheminées hydrothermales qu'on a découvert la chimiosynthèse (création d'éléments nutritifs aptes à devenir de la matière organique à partir d'énergie et de matière minérale, sans lumière, à la différence de la photosynthèse). Il pouvait donc y avoir de la vie même en l'absence du soleil. Une découverte importante pour extrapoler la vie ailleurs que sur Terre, dans l'univers, pourquoi pas sur un satellite de Jupiter comme Europe. 

En outre, aucune cheminée hydrothermale ne ressemble aux autres en termes de biodiversité. Les espèces qui sont inféodées à chaque cheminée sont spécifiques à chaque lieu. Les cheminées elles-mêmes sont toutes de différentes formes. L'une des cinq cheminées étudiées par Thibaut Barreyre présente par exemple un fluide atypique, plus dense que celui de ses voisines, qui intrigue le chercheur. 

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Un autre intérêt des cheminées hydrothermales, ce sont les minéraux qu'on y trouve, du cuivre ou des terres rares qui pourraient attirer les convoitises. C'est le danger qui pourrait guetter ces formations, l'extraction minière qui détruirait la biodiversité. Elles restent cependant difficiles à atteindre et leur exploitation ne serait pas forcément rentable.

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Crédit photo : Thibaut Barreyre