Ciné-bouffe : canard à l'orange et au miel sur fond de Drôle de drame
Publié le 21/01/2025
Silence ça touille, la chronique cinéma et cuisine de Christophe Casazza : au menu, trois nouveautés cinéma et en guise de ciné-bouffe, un canard à l'orange et au miel à la table de Drôle de drame.
En entrée ! Je vous propose Un parfait inconnu de James Mangold. C’est un biopic… enfin, un "presque-biopic", une version romancée, fantasmée de la jeunesse de Bob Dylan, interprété par un Timothée Chalamet en roue libre qui est magnétique, charismatique…. "chalamétique"... Il arrive à nous faire croire qu'il est Bob Dylan… ou du moins, une version très cool de Bob Dylan. C’est un peu comme si on avait croisé un sosie très convaincant dans un bar folk et qu'on avait décidé de le suivre pendant quelques jours, tout en essayant de décrypter ses codes qui mélangent poésie obscure, musique folk et attitude nonchalante. On se laisse emporter par le récit même si parfois, on a l'impression de lire un manuel de réparation de Solex écrit en araméen. À l’image, on a le droit à un défilé de mode pour hippies chics, avec un Chalamet qui change de fringues comme de chemises (à carreaux, bien sûr). On se demande s'il a piqué le dressing d'une friperie vintage. En résumé : Un parfait inconnu, c'est un peu comme une chanson de Dylan : on ne comprend pas toujours les paroles, mais on apprécie la musique, et on sort de là en chantant et surtout... enchanté !
En plat de résistance La Voyageuse de Hong Sang-soo ! Ours d’argent à Berlin. Ce film est aussi déroutant qu'un GPS en panne en pleine campagne coréenne. Tenter de le résumer, c'est un peu comme essayer d'attraper des bulles de savon : c'est éphémère, ça change de forme constamment, et on finit par se demander si on n'a pas rêvé.
Le pitch ? Isabelle Huppert aérienne, burlesque, en mode "pilote automatique"… erre, boit du makgeolli (du vin de riz coréen), rencontre des gens, disparaît… On dirait qu'elle s'est perdue dans un voyage insolite de la Corée du Sud…. Mais en mode impro. Le charme réside dans l’absence de narration conventionnelle. Les personnages parlent de la vie, de l'amour, de l'art… C'est un cinéma de l'instant, de l'improvisation, des petits riens qui font le sel de la vie. Cette expérience cinématographique unique vous invite à contempler le monde avec un regard neuf. Et si vous n'y comprenez rien, ce n'est pas grave : c'est peut-être ça, le secret de Hong Sang-soo et de sa voyageuse.
En dessert ? Slocum et moi, le nouveau film d’animation de Jean-François Laguionie… est un enchantement.
Le pitch : c’est l’histoire d’un jeune garçon, François, dans la France des années 50, dont le père, un grand rêveur, décide de construire une réplique du bateau à voile du navigateur Joshua Slocum, le premier marin à avoir fait le tour du Monde en solitaire. Laguionie, avec la délicatesse de son animation, parvient à transformer ce projet un peu fou en une aventure touchante et pleine de poésie. Un album de famille qu'on feuillette avec tendresse. C'est beau comme une ode à la rêverie et à l'imagination et on a envie de voyager avec lui, sans quitter le quai.
À la table de Drôle de drame de Marcel Carné
Pour la séance Ciné bouffe, je vous propose d’assister à un Drôle de drame. Un film de Marcel Carné, scénario et dialogues de Jacques Prévert. Réalisé en 1937, à sa sortie, c’est un véritable ovni qui a divisé la critique. Certains ont crié au génie, saluant l'originalité et l'audace du film, et surtout son humour noir. D'autres, au contraire, ont été complètement déroutés par le mélange des genres, l’absence de logique narrative et les personnages franchement excentriques. On a parlé de "divagations surréalistes", de "fantaisie décousue", voire de "fumisterie". Aujourd'hui : c’est un classique incontournable
La distribution est "grand luxe" avec : Michel Simon, Louis Jouvet, Françoise Rosay, Jean-Louis Barrault… et même Jean Marais en figurant... qui n’a jamais voulu avouer sa participation à cette comédie policière loufoque, surréaliste, voire absurde.
La scène qui nous intéresse titille le summum de l'absurde et du bizarre ! L’évêque Soper (Louis Jouvet), un être suffisant et moraliste, s’est invité à dîner chez son cousin Yrvin Molineux (Michel Simon). Tous deux partagent un canard à l’orange… enfin partagent, c’est vite dit car l’homme d’Église est un goinfre au sacré coup de fourchette. Margaret, la femme d’Yrvin qui ne peut pas digérer Soper, a trouvé une mauvaise excuse pour fuir le repas. Yrvin cherche à excuser sa femme, mais l’évêque n’est pas dupe.
Dans cet échange vous allez reconnaître une des répliques les plus culte du cinéma français. Ce dialogue bizarre a contribué à forger la légende du film.
La scène
L’évêque Soper
Vous direz ce que vous voudrez, mais il est fort regrettable que cette chère Margaret ne soit pas là... (voyant arriver le plat) Oh ! un canard aux oranges...
L’évêque Soper (se servant)
Une aile… et puis...une cuisse… Et où est-elle exactement, cette chère Margaret ?
Yrvin Molineux
Elle est à la campagne
L’évêque Soper
Loin ?
Yrvin Molineux
Non, pas très loin d’ici...chez des amis…
L’évêque Soper
Chez des amis ?
Yrvin Molineux
Des amis que nous connaissons...
L’évêque Soper (soupçonneux)
Mais dites-moi cher cousin...vous ne trouvez pas cela étrange que votre femme est précisément choisi le jour où je viens dîner pour s'en aller en voyage ?
Yrvin Molineux
Elle a dû partir brusquement... pour un cas de rougeole...Un cas subit...
L’évêque Soper (inquisiteur)
La rougeole ?… Je croyais que vous m'aviez dit qu'elle était partie chez des amis
Yrvin (cherchant ses mots)
Mais… justement... chez des amis qui ont la rougeole...
L’évêque Soper
Et où demeurent-ils exactement... ces amis qui ont la rougeole ?
Yrvin (un peu coincé)
Où ils demeurent exactement ? c'est bien ça ? Vous me demandez cher cousin où ils demeurent exactement ?...c’est bien simple...ils demeurent… ils demeurent...dans les environs de Brighton... je crois...
L’évêque Soper
Vous croyez cher cousin ? (regardant son couteau la mine suspecte) Bizarre...bizarre !
Yrvin
Qu’est-ce qu’il y a ?
L’évêque Soper
Qui ?
Yrvin
Votre couteau ?
L’évêque Soper
Comment ?
Yrvin
Non… vous regardez votre couteau et vous dites bizarre… bizarre… alors je croyais que...
L’évêque Soper (le coupant)
Moi, j'ai dit bizarre… bizarre ? comme c'était étrange ! Pourquoi j’ai dit bizarre, bizarre ?
Yrvin
Je vous assure mon cher cousin que vous avez dit bizarre, bizarre.
L’évêque Soper
Moi j'ai dit bizarre ? … Comme c'est bizarre !
La recette du magret de canard à l'orange, miel et épices douces
Sortez les magrets du réfrigérateur 15 à 20 minutes avant la cuisson pour qu'ils soient à température ambiante.
Avec un couteau bien aiguisé, entaillez la peau des magrets en croisillons, sans atteindre la chair. Cela permet à la graisse de fondre plus facilement et d'obtenir une peau croustillante.
Salez et poivrez les deux faces des magrets.
Prélevez le zeste d'une orange non traitée et pressez le jus des deux oranges. Dans une petite casserole, faites fondre 20 g beurre à feu doux.
Ajoutez deux cuillères à soupe de miel, le zeste d'orange, le jus d'orange, une cuillère à café de gingembre frais râpé, 1/2 cuillère à café de cannelle en poudre. Si vous souhaitez une sauce plus vive, ajoutez un peu de Cointreau Laissez mijoter à feu doux pendant environ 10 minutes, jusqu'à ce que la sauce épaississe légèrement.
Cuisez les magrets dans une poêle, côté peau 10 min, en réservant dans un bol, pour plus tard, la graisse qui fond joyeusement. Surveillez attentivement pour que la peau ne brûle pas. Elle doit être bien croustillante et dorée. Puis retournez le magret côté chair, badigeonnez-le généreusement avec la moitié de la sauce à l'orange, et laissez-le cuire 5 min, pour avoir un magret bien rosé.
Une fois cuit, laissez reposer le magret 10 minutes dans un papier d’aluminium, avant de le découper. Ceci permet à la viande de se détendre. Cette étape est cruciale, car elle permet à la viande de se détendre et aux jus de se répartir uniformément, ce qui rendra le magret plus tendre et savoureux.
Tranchez les magrets en biais, en fines tranches. Nappez les tranches de magret avec la sauce à l'orange. Servez ce canard avec des pommes de terre sautées, une purée de patates douces ou une poêlée de légumes de saison.