Ciné-bouffe : revoir Zazie dans le métro en buvant du radis
Publié le 19/11/2024Dans Ciné-bouffe, Silence ça touille, sa chronique cinéma et cuisine, Christophe Casazza présente trois nouveaux films et nous fait déguster une soupe de fanes de radis en revoyant le film de Louis Malle, Zazie dans le métro.
Au menu de la semaine je vous propose de découvrir les nouveauté cinéma suivantes :
En entrée : Le Panache le nouveau film de Jennifer Devoldere qui est tiré d’un seul-en-scène de Nicolas Devort « Dans la peau de Cyrano ». Une histoire universelle autour de trois grandes thématiques : l’acceptation de la différence, la transmission entre générations, et comment trouver sa place. Un menu copieux, mais pas indigeste du tout ! Colin est bègue, et s’il bégaie, c'est pour ralentir le temps et ne jamais devenir un adulte. Mais autour, il y a la vie qui n’est pas toujours facile quand on est bègue. Heureusement, Cyrano et son prof de français, qui enseigne également le théâtre, ne seront pas indifférents à son problème.
Le film est une très belle adaptation de la pièce.
En version cuisine, ça donne : « C’est plein d’espoir et on en ressort avec la banane ».
Coup de cœur pour Joachime Arsegue. Le jeune comédien qui est vraiment bègue. Il ne voulait pas faire le film, mais il a suivi les conseils de son orthophoniste, et c’est tant mieux pour nous. À ses côtés, on retrouve José Garcia et Aure Atika.
S’il y a une phrase à retenir c’est : « On a tous des complexes, mais si on assume qui on est, on ne peut plus s’en servir comme une arme contre nous ».
En plat de résistance je vous propose : La vallée des fous
Xavier Beauvois, lui-même joueur de Virtual Regata, a eu l’idée d’écrire et de réaliser une histoire pleine de poésie autour de Jean-Paul, Jean-Paul Rouve, qui est enfermé dans ses problèmes, dans sa vie, et qui pour des raisons matérielles, décide de faire le Vendée Globe sur son bateau, mais au fond de son jardin. Il va peu à peu se retrouver face à lui-même et, sur son petit bateau, qui est un des personnages du film, il va aller vers sa rédemption. Ça paraît dingue comme idée de scénario, mais cette captation d’un moment de vie, est pleine de poésie, on rit, et franchement, on voyage avec lui vers les nouveaux horizons qui s’ouvrent à lui.
La phrase à retenir, c’est celle de Pierre Richard : « Ton père, il croyait faire le tour du monde sur son bateau, mais en fait, il a fait le tour de son monde ». On attend la suite...
En dessert, je vous propose : Trois amies d’Emmanuel Mouret
Est-ce que dire "je t’aime" peux faire peur à l’autre ?
C’est le portrait de trois femmes, trois amies qui ont une conception différente de l’amour et de l’honnêteté, et de la façon de se comporter en amour. Ce qui va provoquer une série d’incidents et d’accidents. On passe du grave à la fantaisie, au léger, à une certaine forme de douceur, et de tendresse. C’est avec Camille Cottin, India Hair, et Sara Forestier, et l’incontournable Vincent Macaigne. Pour les fans d’Emmanuel Mouret comme ceux qui voudraient le devenir. Il y a en ce moment des rediffusions de la plupart de ses films sur Arte et sur France 2.
Revoir Zazie dans le métro, en buvant du radis
Pour la soirée Ciné bouffe, je vous propose une autre rediffusion qui est une petite pépite qui vous enverra en 1960. C’est Zazie dans le métro de Louis Malle. Tiré du livre éponyme de Raymond Queneau. Il faut absolument avoir vu cet Ovni du cinéma français. Le film est à la hauteur de l’audace stylistique de l’œuvre originale. C’est sans compromis et ça propose une certaine image de la jeunesse de 1960. Zazie, la jeune héroïne, haute comme trois pommes, rêve de prendre le métro. L’enfant est capricieuse, hyperactive, vulgaire à souhait, mais elle a un gros appétit de vivre et une vraie curiosité pour le monde qui l’entoure. Sans crainte ni tabou, elle est prête à aborder tous les sujets et à mettre son nez dans les affaires des adultes… mais pas encore à prendre leur monde au sérieux. C’est un film audacieux par son scénario, mais aussi par sa forme et sa mise en scène, qui apportent une couleur surréaliste à cette réjouissante comédie.
LA SCÈNE
Dans la scène qui nous intéresse Zazie (Catherine Demongeot) est à table avec son oncle Gabriel (Philippe Noiret), alors que la prétendue Tante Albertine (Carla Marlier) leur apporte un repas composé d’un consommé, de radis, d’asperges, et de raisins.
Albertine
À table, à table !
Gabriel
Oh la la ! Du consommé !
Albertine
N’exagérons rien !
Gabriel (s’adressant à Zazie et mangeant sa soupe)
Alors petite, on est bien fatigué, on a bien sommeil ?
Zazie (tout en mangeant sa soupe)
Qui c’est "on" ?
Gabriel
Mais toi bien sûr. À quelle heure tu te couchais là-bas ?
Zazie
Ici, et là-bas, ça fait deux, j'espère ?
Gabriel
Oui !
Zazie
Tu dis oui comme ça, ou tu le penses vraiment ?
Albertine apporte des radis
Gabriel
écoute-moi ça Albertine, tu vois comment ça résonnent les mouflettes à cet âge ? On se demande pourquoi on les envoie à l’école ?
Zazie
Moi j’irai à l’école jusqu’à 65 ans.
Gabriel
Jusqu’à 65 ans ?
Zazie
Oui, institutrice.
Gabriel
C’est pas un mauvais métier. Il y a la retraite.
Zazie
Parle pas de ton cul ! Moi c’est pas pour la retraite !
Gabriel
Mais alors, pourquoi tu veux être institutrice ?
Zazie
Pour faire chier les mômes. Ceux qu’auront mon âge. Dans dix ans, dans vingt ans, dans mille ans... toujours des gosses à emmerder. Je serai vache avec eux...je leur ferai lécher le parquet...je leur ferai manger la poudre du tableau noir…je leur enfoncerai des compas dans le derrière...je leur botterai les fesses...parce que j’aurai des bottes en hivers, avec des grands éperons pour leur larder la peau du derche.
Gabriel
Tu sais d’après ce que disent les journaux, c’est pas ça l’éducation moderne. On va plutôt vers la douceur, la gentillesse, la compréhension...n’est-ce-pas Albertine qu’on dit ça dans le journal ?
Albertine (apportant des asperges que s’enfilent prestement Gabriel et Zazie)
Oui, il ne faut pas les brutaliser à l’école.
Zazie
Ouais, il aurait pas fallu voir !
Gabriel
D’ailleurs dans vingt ans il n’y aura plus d’institutrices. Elles seront remplacées par le cinéma, la TV, l’électronique...les trucs comme ça. C’était aussi écrit dans le journal l’autre jour. N'est-ce pas Albertine ?
Albertine (apportant des grappes de raisins)
Oui, c’est vrai !
Zazie
Alors, je s’rai astronaute !
Gabriel (ravit)
Voilà, faut être de son temps !
Zazie
Je s’rai astronaute pour faire chier les martiens.
Gabriel
Elle en a de l’idée cette petite !
Zazie
Et si tu m’offrais le cinémascope ?
Gabriel
J’ai pas le temps, je reprends le boulot à 11 heures.
Zazie
Ma tante et moi on peut y aller seules ?
Gabriel
ça me plairait pas...Albertine elle sort jamais sans moi.
Au menu de ce repas, on retrouve des radis, des asperges et un consommé. Pour aller avec le film, on oublie les asperges qui ne sont plus de saison et on va plutôt sur une soupe de fanes de radis, ce sera plus consistant.
Pour cela, il faudra faire rissoler, 5 minutes, dans 40 g de beurre et 1 c à c de curry, 1 oignon, 1 gousse d’ail, 2 carottes, et 2 pommes de terre, que vous aurez détaillés avant bien sûr. Vous ajoutez une botte de fanes de radis que vous aurez bien nettoyé et que vous ferez rissoler 2 minutes de plus. Vous ajoutez 1 litre de bouillon de volaille ou de légumes, et vous laissez cuire le tout 20 minutes. On ajoute 20 cl de crème fraîche, et il n’y a plus qu’à mixer, et à passer à table, avec sur le dessus, quelques gouttes de vinaigre balsamique, et des tranches fines de radis roses.