Du Finistère à l'Amérique avec les frères Quéffelec

Publié le 09/09/2024
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Une douzaine de générations séparent Yves Queffelec et ses ancêtres Michel et Joseph Le Queffelec navigateurs pilotes du XVIIIe siècle qui ont joué un rôle dans l'histoire de l'Amérique française. 

Depuis des années, Yves Queffelec joue les historiens – très sérieusement – pour suivre à la trace ses ancêtres. Ce Nordiste qui passe ses vacances d'été dans son territoire d'origine, Plomodiern, s'est intéressé à plusieurs de ses branches aïeules. Cette fois, il a fallu les reconnaître dans les documents sous un autre nom, celui de leurs terres : Kerlaziou. Une visite aux archives diplomatiques à la Courneuve s'est même imposée. Et d'autres documents encore aux États-Unis sont entrés dans la danse, car c'est là-bas que l'essentiel de l'histoire s'est déroulée.

Michel et Joseph Le Queffelec sont nés en 1682 et 1697 à Port-Launay. Ces deux jeunes hommes sont issus d'une lignée de notaires et avocats à la cour royale du côté de Châteaulin et Pleyben, mais aussi liés à des familles de Brest (les premiers maires de Brest), plutôt navigateurs-marchands. 

Et les frères Queffelec ont eu un destin hors du commun outre Atlantique, dans les territoires français d'Amérique. Ils ont même contribué à la création de la capitale toujours actuelle de la Louisiane : La Nouvelle-Orléans. 

Un métier très pointu : pilote de la Royale

En 1681, un édit de Colbert organise la marine royale et en définit les différentes fonctions. Les frères Queffelec deviennent pilotes, un métier extrêmement qualifié et qui permet à ceux qui l'exercent de vivre de véritables aventures autour du monde. Dix années de formation sont nécessaires en école d'hydrographie, dont cinq années de navigation, entre 15 et 25 ans. Les pilotes cumulent des compétences de navigation, mathématiques, physique, hydrographie, ingénierie des machines, canonnage, astronomie, topographie (pour dessiner des cartes des côtes).

À l'aube du XVIIIe siècle, les frères Queffelec embarquent sur un petit traversier dont Michel est capitaine : ils ont pour mission d'assurer le cabotage le long des côtes de Louisiane française. A cette époque, il n'existe pas encore de véritables ports. On décharge sur l'île aux Vaisseaux devant la rivière Mobile et on transborde les humains et les marchandises sur des plus petits navires, puis des chaloupes, et enfin des charrettes jusqu'à la capitale qui est alors Biloxi.

La France possède alors environ un tiers de l'Amérique du Nord ; une Louisiane grand format : une vaste bande au centre du continent, qui va du Québec à l'embouchure du Mississippi, entre les Appalaches et les Rocheuses. 

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La maîtrise des rivières, stratégique

C'est un pays sauvage dans lequel on circule essentiellement via les 4000 kilomètres de rivières : il s'agit donc d'axes stratégiques. Et ils le sont d'autant plus que le territoire français est convoité d'un côté par les Anglais, de l'autre par les Espagnols. Garder le contrôle des embouchures de fleuves des grands lacs au Golfe du Mexique est crucial. 

La vie en Louisiane est aussi extrêmement difficile : l'omniprésence de l'eau, des marais notamment, génère des maladies et les inondations sont récurrentes, aggravées par les ouragans et tornades. Les famines sont régulières. 

L'activité de cette colonie française est principalement tournée vers l'exploitation du bois et l'agriculture : indigo, tabac, riz, sans oublier les fourrures, ramenées par les trappeurs. 

Biloxi capitale indésirable

Les grandes difficultés auxquelles se heurtent les colons sont en outre la  pénurie de main d'œuvre (d'où le recours à l'esclavage) et les contraintes liées à l'emplacement de Biloxi.  La capitale est peu accessible, loin des zones cultivables. Il apparait de plus en plus essentiel de déplacer l'activité vers une zone plus fertile et plus passante, pour faciliter le commerce. La plaine du Mississippi concentre toutes les attentions. 

L'enjeu est cependant de trouver l'embouchure du Mississipi et de prouver sa navigabilité. L'ouverture du fleuve vers la mer est en effet très complexe, composée d'une multitude de petits chenaux.  

C'est alors qu'interviennent les frères Quéffelec qui serviront de pilotes à l'ingénieur Adrien de Pauger pour identifier les chenaux navigables et contribuer à leur canalisation afin que les navires puissent y passer. 

Un Mississippi apprivoisé et l'essor de la Nouvelle-Orléans

Devenue vivable, La Nouvelle-Orléans va pouvoir voir le jour au sud du lac de Ponchartrain. Le quartier français s'y développe et la ville est reconnue capitale en 1723. Par ailleurs, les relations avec les Espagnols du côté de l'ancienne capitale Biloxi s'apaisent. 

Les frères Queffelec sont restés en Louisiane où ils ont continué à jouer les pilotes le long des côtes du  golfe du Mexique ; leur bateau a été volé, ils l'ont récupéré à Cuba. Michel meurt au cours d'une épidémie et Joseph d'une blessure infectée (suite à une nouvelle tentative de vol de son bateau).