Des virus, des huîtres et des humains
Publié le 21/11/2023Gabriel Euller étudie les virus. Après avoir consacré sa thèse aux norovirus présents dans les huîtres et qui contaminent les humains, il est prêt à poursuivre ses recherches sur d'autres virus qui menacent notre santé mais pourraient aussi l'améliorer...
Découvrez la thèse de Gabriel Euller sur Youtube
Contrairement aux bactéries qui sont autonomes, les virus sont des êtres "semi vivants" qui ont besoin d'un hôte pour vivre et se reproduire. Il existe des milliers de types de virus, dont certains particulièrement grands découverts récemment dans des sédiments sous-marins. Dans une goutte d'océan, on peut trouver un à dix millions d'exemplaires de virus.
Pour différencier les virus, on utilise souvent un préfixe, qui peut décrire l'objet comme pour les coronavirus (qui doivent leur nom à leur "couronne") ou qui indique son origine géographique comme pour les norovirus et les sapovirus qui doivent leurs noms aux villes où ils ont été détectés pour la première fois. Les norovirus et les sapovirus sont responsables de gastro-entérites chez l'humain et ils sont aussi présents dans les huîtres, notamment Crassostrea gigas sur laquelle s'est penchée Gabriel Euller pendant sa thèse.
Les glycanes, clés d'entrée des norovirus dans les cellules d'huîtres...et d'humains
Tous les virus doivent pénétrer dans une cellule hôte pour vivre ; ils s'aident pour cela de molécules présentes à la surface de la cellule auxquelles ils s"attachent"; il peut s'agir de protéines comme pour le Covid-19. Dans le cas des norovirus, les clés sont les glycanes (des sucres) qui déterminent chez l'humain le groupe sanguin et qui existent aussi chez les huîtres. C'est ce qu'a permis de comprendre la thèse de Gabriel Euller pour l'Ifremer. Elle a aussi permis de comprendre que les sapovirus eux n'entraient pas dans les cellules avec l'aide des glycanes.
Sans être dangereux pour les coquillages, ces norovirus peuvent donc entrer dans les cellules des huîtres. Si nous les ingérons, nous pouvons donc être contaminés aussi par les norovirus, qui au départ viennent souvent des humains eux-mêmes (les huîtres filtrent nos eaux polluées). Chez les humains, les norovirus provoquent des gastro-entérites. Dans les pays développés, les conséquences sont bénignes (qu'il s'agisse de contamination - rare - par les huîtres ou par simple contact entre humains) mais dans les pays les plus pauvres, les norovirus tuent ; on estime à 200 000 le nombre de morts par an.
Des multiples intérêts de la recherche sur les virus
Lors de sa thèse, Gabriel Euller a donc travaillé sur des huîtres élevées en laboratoire par l'Ifremer auxquelles il injectait les virus. Il les observait ensuite pendant quelques heures, notamment pour évaluer le changement de comportement éventuel de ces virus au sein des huîtres. Le comportement des norovirus dans les cellules humaines était quant à lui étudié dans des organoïdes - autrement dit des réplications des cellules intestinales humaines (à partir de cellules souches). Ces derniers sont des outils récents mais très précieux pour les scientifiques.
Il reste encore beaucoup à découvrir sur les virus, notamment pour prévenir de prochaines pandémies du type de celles du Covid-19. Les virus de la grippe sont en particulier très suivis par les scientifiques.
Gabriel Euller s'intéresse aussi aux virus comme outils thérapeutiques. Ainsi, on pourrait utiliser certains d'entre eux - en les neutralisant - pour atteindre des cellules malades à traiter ; le virus de la rage qui pénètre dans le cerveau par les nerfs et dont une des protéines préserve les neurones pourrait être utilisé pour cibler des maladies neuro-dégénératives (Azheimer ou autre).
La recherche se penche aussi sur les stratégies antivirales ; c'est ce qui s'est passé pour le VIH (Sida) dont les thérapies sont désormais bien efficaces. Souvent on soigne davantage les symptômes qu'on ne cible les virus eux-mêmes car ces derniers mutent sans cesse et deviennent résistants. De même, les vaccins perdent en efficacité au fil des mutations des virus.
Certains virus sont même devenus nos compagnons intimes et leurs gènes se sont fondus avec les nôtres, avec des fonctions positives pour notre évolution et nos fonctions biologiques.