Abbaye de Landévennec : fouilles exceptionnelles pour site archéologique hors norme
Publié le 24/03/2025
Les fouilles archéologiques de l'ancienne abbaye de Landévennec ont duré plus de 25 ans. Il faut dire qu'il s'agit d'un site exceptionnel qui couvre tout le Moyen Âge et au-delà. Ronan Pérennec du Centre départemental d'archéologie revient sur ce chantier qui a marqué sa carrière.
Crédit photo : ©Ronan Perennec, Conseil départemental du Finistère
Le site internet du Centre départemental d'archéologie du Finistère
"Un chantier comme ça, quand on en a un, on en a un seul dans sa vie" confie Ronan Pérennec, archéologue médiéviste du Centre départemental d'archéologie du Finistère qui a collaboré avec Annie Bardel (Université de Rennes), sa collègue qui avait commencé à fouiller les ruines de l'ancienne abbaye de Landévennec en 1978. Les fouilles programmées ont été financées par l'Etat, le Département du Finistère, la Région Bretagne, avec l'aide des moines
1300 ans d'histoire monastique dans l'estuaire de l'Aulne
C'est à la charnière des 5ᵉ et 6ᵉ siècles que l'abbaye a été fondée dans l'estuaire de l'Aulne, et le site a été occupé jusqu'en 1789, avec quelques interruptions, quand les Normands ont pillé et brûlé l'abbaye en 913. Les documents historiques sur cet épisode ont permis aux archéologues de dater précisément les traces des saccages qu'ils avaient bel et bien repérées. Les scientifiques ont d'ailleurs constaté que les Normands avaient même rendu un hommage cérémoniel aux moines tués lors des pillages, sans doute par superstition. Même en dehors des destructions malveillantes, les moines rebâtissaient sans cesse leur lieu de vie.
Des vestiges particulièrement bien préservés
L'ancienne abbaye de Landévennec est exceptionnelle par sa longévité et pour la qualité des vestiges qu'elle offre. Notamment la période carolingienne (9ᵉ siècle). Très bien conservés, ces vestiges du haut Moyen Âge ont démontré sans ambiguïté que la Bretagne, loin d'être à part et repliée sur elle-même, appartenait déjà à cette époque à un ensemble culturel d'envergure européenne.
De 1978 aux années 2000, les fouilles modernes de l'abbaye ont donné lieu à de très nombreuses publications, par les archéologues en chef (Annie Bardel et Ronan Pérennec), mais aussi par les très nombreux spécialistes qui sont intervenus au fil des années pour examiner les vestiges : carpologues (graines), archéozoologues (restes d'animaux), dendrochronologues (âge des bois), xylologues (traces d'outils dans les bois), palynologues (pollens), céramologues (poteries), anthracologues (charbon)etc.
Un terrain de fouilles très humide
La conservation des vestiges organiques est en particulier exceptionnelle puisque la zone d'implantation de l'abbaye est très humide. Le sol gorgé d'eau permet de garder les végétaux, les boiseries, les os... mais il rend aussi le travail des archéologues particulièrement pénible (pompes, serpillères, éponges sont requises).
En analysant l'origine de cette saturation en eau, avec l'aide des géomorphologues de l' IUEM, les archéologues ont appris qu'au 11ᵉ siècle et pendant plusieurs années, le climat local avait changé, entraînant inondations à répétition et submersions marines. Les moines s'étaient adaptés, surélevant à plusieurs reprise le sol de l'abbaye.
Il a parfois fallu attendre longtemps, des moyens et des progrès techniques pour analyser certains mobiliers. Ainsi, le sarcophage en bois du 9ᵉ siècle a dû attendre sept ans qu'un appareil à ses dimensions (et à celles de pirogues antiques) soit construit, pour le lyophiliser (injection de résine pour remplacer l'eau qui avait gorgé le bois).
L'autre intérêt du site, c'est la conservation sur place des mobiliers et matériaux découverts lors des fouilles ; une conservatrice — Manon Olive — est chargée de veiller sur le dépôt (semi-enterré) et la collection. Laquelle est régulièrement valorisée par le musée de l'ancienne abbaye de Landévennec au fil de ses expositions. De nouvelles expertises sont éventuellement demandées en fonction des moyens.