L'enquête de Splann sur une transmission des terres agricoles bretonnes peu transpartente

Publié le 19/09/2023
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Dans son enquête de septembre 2023 pour le média indépendant et citoyen Splann !, Julie Lallouët-Geffroy s'est penchée sur la transmission des terres agricoles en Bretagne. Malgré les outils de régulation mis en place par les pouvoirs publics pour éviter la concentration des terres, des contournements légaux ou des manœuvres d'intimidation permettent à d'énormes exploitations de se constituer dans notre région. 

Lire l'enquête  A l'ombre des Safer, la guerre des champs sur le site internet de Splann !

Pour s'installer en agriculture, il faut un diplôme (Bac pro conduite et gestion de l'exploitation agricole ou Brevet professionnel responsable d'exploitation agricole), une autorisation d'exploiter (AE) et des terres achetées ou louées. 

La question des terres agricoles devient cruciale qu'il s'agisse de remplacer les départs en retraite (un sur trois seulement est remplacé) donc de souveraineté alimentaire, mais aussi de modes de production : privilégier la préservation de la biodiversité et les systèmes qui absorbent du carbone pour limiter le changement climatique. 

Comment contourner les organes de régulation légalement et favoriser les exploitations géantes

Les outils de régulation mis en place en France pour préserver le foncier agricole sont anciens et bien des pays nous les envient. De fait, les Safer (Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural) remplissent leur fonction de maintien des prix des terres agricoles à un niveau accessible. Cependant, en cas de transmission de ses terres, on peut très bien contourner légalement les Safer. Par exemple en vendant non pas la totalité de son exploitation mais plusieurs parcelles sous forme de parts sociales. C'est par ce biais que se sont constituées en Bretagne de très grandes exploitations, de plus d'un millier d'hectares (la moyenne de surface d'une exploitation bretonne est à 62 ha) dans les mains d'une seule personne ou d'une famille qui multiplie les sociétés. On est alors très loin de l'"exploitation familiale" défendue officiellement en Bretagne. Le problème, c'est qu'il n'existe aucun recensement officiel de ces méga-fermes en Bretagne. Et ces pratiques de  "vente à la découpe" des terres agricoles sont tout à fait légales. De toute façon, les propriétaires restent arbitres de la vente qui ne peut se faire contre leur gré.  

Dissuader les projets d'installation pour pouvoir s'agrandir

Dans son enquête, Julie Lallouët-Geffroy raconte aussi le cas d'une agricultrice qui souhaitait s'installer sur des terres que visait un autre agriculteur, pour s'agrandir. Devant la Safer, elle aurait dû être prioritaire. Mais à force d'être harcelée par téléphone, elle a renoncé et le foncier qu'elle convoitait est allé agrandir une exploitation déjà en place, tant pis pour la "nouvelle recrue". 

En matière de pratiques illégales, il existe aussi des exploitations "sauvages" (sans EA) de terres agricoles. Les contrôles étant rares, seules les personnes lésées (celles qui ont l'autorisation d'exploiter de la parcelle) peuvent signaler ces faits. 

La nouvelle loi d'orientation agricole, en cours de discussion, permettra peut-être de renforcer les projets d'installation, d'améliorer la préservation des exploitations à dimension humaine et d'éviter les concentrations de terres. Affaire à suivre.