Le géologue Gilles Chazot dans l'oeil de l'Afrique

Publié le 01/10/2024
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Gilles Chazot (UBO) et Bernard Le Gall (CNRS), géologues du laboratoire Géo-Océan de Brest, ont percé un mystère de la structure de Richat, dite l'œil de l'Afrique : la datation de sa formation. 

En savoir plus sur la structure de Richat sur le site de l'UBO

Visible depuis l'espace et située en Mauritanie, la structure de Richat est une formation géologique qui doit son surnom d'œil de l'Afrique à sa succession circulaire de parois. Elle alimente depuis longtemps les fantasmes des humains. Platon la désignait comme l'emplacement de l'Atlantide, d'autres y ont vu l'œuvre de civilisations extra-terrestres. Même les scientifiques s'y sont perdus en considérant jadis qu'il s'agissait d'un cratère d'impact de météorite. 

La méthode radiométrique pour dater les roches

Les géologues savent depuis longtemps que ce n'est pas le cas, mais la structure de Richat garde encore quelques mystères quant à sa datation et son histoire géologique. Gilles Chazot et Bernard Le Gall, tous les deux chercheurs au sein du laboratoire Géo-Océan, ont levé le voile dans leur étude publiée en juin 2024 dans la revue Lithos

Les chercheurs ont analysé en particulier les gabbros, une des roches principales qui composent la croûte terrestre. Ces roches magmatiques sont formées lors du refroidissement de magma après une éruption volcanique. Ils ont eu recours à la méthode de datation radiométrique qui s'appuie sur la variation régulière au cours du temps de la proportion de certains éléments radioactifs naturels de la roche : des isotopes de l'argon se "dégradent" progressivement et très régulièrement au cours du temps, leur présence et le rapport des quantités présentes de ces éléments radioactifs permet de remonter (grossièrement, mais suffisamment) à leur période de formation.

Deux épisodes marquants dans la formation de la structure de Richat 

La formation de la structure de Richat a donc été marquée par deux événements géologiques, à 100 millions d’années d'écart l'un de l'autre. 

Dans un premier temps, au début du Jurassique, entre 230 et 200 millions d’années, c'est la période de formation de la CAMP (Central Atlantic magmatic province ou province magmatique centre Atlantique) : une vaste région composée de roches magmatiques qui s’étend entre l’Europe occidentale, la côte ouest des États-Unis et du Canada, dans l’ouest de l’Afrique et au nord-est de l’Amérique latine, avant la formation de l'Atlantique. Ce magma soulève les couches supérieures à certains endroits, dont la structure de Richat qui va ensuite s'éroder pendant plusieurs millions d'années. Les analyses de Gilles Chazot montrent que la composition géochimique des gabbros correspond aux groupes chimiques les plus répandus dans la CAMP.

Dans un deuxième temps, environ 100 millions d'années plus tard, de nouvelles roches magmatiques, dont des carbonatites, riches en carbone, et des roches alcalines, se mettent en place en profondeur dans la structure ; un nouveau soulèvement des couches sédimentaires a lieu, un système hydrothermal — formé aussi en profondeur - érode quant à lui le centre de la structure ; laissant cet "œil" ouvert dans le désert du Sahara, jusqu'à nos jours. La structure de Richat reste l'une des formations naturelles les plus photographiées depuis l'espace.