Quand le classement des espèces est un métier : taxonomiste
Publié le 28/01/2025
Gabin Droual est un taxonomiste naturaliste de la zone benthique ; il étudie et classe les animaux du fond de la mer, en particulier la "macrofaune" qui mesure entre un millimètre et cinq centimètres. Ses recherches servent à améliorer la connaissance du vivant, mais aussi à comprendre l'évolution du milieu marin face aux changements climatiques ou à l'activité humaine.
Photo de couverture : Felimare cantabrica, nudibranche dont l'habitat remonte progressivement vers le sud à la faveur du réchauffement climatique - crédit : Joxerra Aihartza, FAL, via Wikimedia Commons
Gabin Droual est ingénieur de recherche pour l'Ifremer au laboratoire Dyneco (Dynamique des systèmes côtiers). Son métier : taxonomiste naturaliste. La taxonomie est la branche de la biologie qui classifie les organismes vivants. L'arbre du vivant compte des branches, des ramifications qui sont un peu comme des tiroirs, certains plus grands en contiennent de plus petits, etc. En fonction de critères morphologiques (de forme) et/ou génétiques, on peut identifier des espèces, leurs caractéristiques propres, leurs liens de parenté éventuels, etc. Deux espèces distinctes ne sont pas interfécondes et ne peuvent pas avoir de descendance sur plusieurs générations.
On estime avoir décrit environ 2 millions d'espèces dans le monde, il en resterait autant à décrire.
Les taxonomistes : spécialisés ou naturalistes
Il existe deux types de taxonomistes : ceux qui travaillent dans les musées d'histoire naturelle et sont très spécialisés, et les taxonomistes naturalistes qui sont sur le terrain. Gabin Droual est de ces derniers. À force de scruter le sable, il s'est orienté vers les animaux des fonds marins (zone benthique), une macrofaune dont la taille va de 1 mm à 5 cm. Il récolte ses spécimens en réalisant des carottes dans 20 à 30 cm de fond marin (avec un tuyau en PVC) puis il passe la matière au tamis, trie encore (pour séparer les animaux des sédiments) et passe à l'observation et à l'analyse, qui peut être longue selon la biodiversité du fond marin étudié. Étant donné la petite taille des animaux qu'il observe, Gabin Droual travaille à la loupe binoculaire, voire au microscope.
Le taxonomiste doit en effet examiner des caractéristiques physiques de plus en plus fines au fil de son étude d'un organisme — à l'aide de clés d'identification — de la forme générale du corps à des éléments de la mâchoire par exemple.
Un taxonomiste spécialisé confronté à une nouvelle espèce peut quant à lui faire appel aux généticiens pour conforter son classement et décrire (dans une publication scientifique) la nouvelle espèce.
De l'utilité des études taxonomiques d'un milieu
Les études taxonomiques permettent par exemple de définir des chaînes trophiques (qui mange qui ?) ou de caractériser l'état écologique d'un milieu (en fonction des espèces sensibles ou pas à la pollution) ; certains prélèvements sont ponctuels, d'autres sont saisonniers et il existe aussi des suivis de très long terme : 30 ou 40 ans d'étude d'un milieu pour évaluer l'évolution des communautés d'animaux. Gabin, qui apprécie particulièrement les annélides polychètes (des vers annelés marins), participe à plusieurs projets de recherche, du Pays Basque au sud de l'Irlande, en passant bien sûr par la Bretagne (Camaret-sur-Mer par exemple). Le chercheur a notamment constaté que certaines espèces benthiques remontent vers le nord comme le nudibranche Felimare cantabrica, un indice du réchauffement du climat.